mercredi 9 septembre 2015

Le sablier

Il n'est pas encore l'heure de rentrer. L'espoir d'un vol de dernier instant s'évapore dès mon arrivée à l'aéroport. Les tarifs proposés pour chaque métropole européenne dissuadent toutes initiatives d'un retour immédiat. J'étais prêt à rentrer, le sac à l'épaule, le coeur en berne. La tête vide de toute émotion, je regagne l'auberge de la Candelaria, quartier "bohème" de Bogotà, où j'évolue depuis dix jours déjà. Je retourne le sablier, encore un mois d'aventures, de voyage en solitaire, où chaque matin l'issue de la journée est inconnue. Loterie humaine.

Je décide de m'envoler tout de même, retrouver la rose noire, en parfums et en épines, où elle s'amuse de ses charmes exotiques. Pour quelques heures, l'oiseau de fer me promène par delà la canopée amazonienne. J'essaie, une nouvelle fois, de déchiffrer le message dessiné par les rivières et fleuves. Entrelacés, tracés en boucles dans ce coeur de Terre, ils sont le témoignage d'une supériorité. Mais du haut ciel je n'arrive à en déterminer le sens de lecture. Dans quelle direction peut s'écouler l'encre de ces ces cours d'eau? Ni la position des lagunes, celle des plages et bancs de sable, ou la forme des îles ne me permettent de trouver la clef de ce premier secret. Alors je reste, enfant en rêves, le nez écrasé conte le hublot, à contempler cette magie, ces milliards d'arbres à perte de vue. Le soleil, sur son couchant, décide de mettre en couleur l'étendue végétale qui revêt alors sa robe de soirée.
Mais au règne du roi s'ensuit celui de la reine. Ronde de toute sa forme, la lune entre en scène. Je vole entre les deux astres retrouvés et profite des quelques instants de leur amour sans étreinte, la forêt équatoriale en pied. Mais déjà le roi s'en va en conquête de nouveaux horizons. Veuve d'un jour, la lune peint d'un chagrin d'argent les eaux qui se détachent de la sombre forêt.
L'imposante cordillère andine relaie la jungle. Les premières lumières humaines font naissances. J'atterris. Lima, Perú.

"Il n'est pas nécessaire de courir le monde, de traverser océan et jungle pour sentir le charme des nuées, la sève des arbres, le langage des rivières et des nuits."
Joseph Kessel

mercredi 5 août 2015

Feria de las Flores

Medellin est en fleurs. Les amateurs du monde entier se sont retrouvés pour assister aux multiples expositions, défilés puis concerts qui clôturent chaque journée. Des bouquets de milliers de roses aux orchidées de variétés inconnues je butine, frivole.
Mes balades et pérégrinations me font traverser de nombreux parcs et jardins où j'apprécie me ressourcer. L'une de ces introspections guide mes pas au pied d'une fleur. La plus belle. Tous s'arrêtent pour l'admirer. J'y passe mes journées, à la contempler, souriant au soleil et dansant, légère, au vent.
Malgré la frénésie qui agite la ville j'essaie de la retrouver quotidiennement, elle est mon air pur. La cueillir serait l'emprisonner alors je m'assieds devant sa robe de nature et laisse les heures filer autour de moi, béat.
Mais le temps qui semble s'arrêter autour d'elle n'est qu'illusion, ses longs pétales d'élégance s'envolent et la déshabillent un peu plus chaque jour. Destin funeste, j'assiste à la libération de sa dernière larme de vie, plus gracieuse que jamais. J'aurais voulu m'y accrocher et continuer dans ce rêve facile.
Je ne verrai plus cette fleur, je suis triste.
"On ne triomphe de la Nature qu'en lui obéissant"
Francis Bacon

lundi 3 août 2015

Colibris

Poussières de temps
Et sac
Parfois lourd
Ou léger
Comme le coeur.

lundi 6 juillet 2015

Hier

Le puissant reggaeton me sort des songes, je me retourne avec agilité dans le hamac pour étudier la couleur du ciel. Il doit être cinq heure du matin. J'ai encore quelques heures de sommeil devant moi, je m'endors bercé par la musique Sud-américaine qui s'éloigne en voiture.
C'est au tour de la chaleur de me réveiller, je bascule de nouveau dans le bout de tissu tendu qui me sert de lit, par la fenêtre je distingue déjà une dizaine de kites à l'eau, la luminosité a changé. J'ai perdu ma montre en mer il y a quatre jours mais mon analyse attentive de la course solaire me permet de savoir qu'il est entre six et neuf heure. Je décide de quitter mon abri.
Cela fait à peu près plus d'une semaine que je vie à Cabo de la Vela et, tous les matins, je découvre amusé la couche de sable qui a investi le hamac durant mon sommeil. Je pose les pieds à terre, la douleur est supportable, je vais enfin pouvoir retourner à l'eau. Ils sont dans un sale état, deux jours que je marche avec peine, due aux nombreuses coupures de coquillages et coraux cachés sous l'eau. Lors de ma dernière session, il y a trois jours, j'ai marché de tout mon poids sur un oursin, ma tendre plante de pied s'en est régalée, elle a avalé un bouquet de piques au plus profond. L'automédication centrée sur le sable et l'eau salée se révèle très efficace face à l'énergie investie.
Il est l'heure d'un bon café trop sucré colombien. Je pars dans un premier temps arroser le seul arbre dans un rayon de cinq cents mètres. C'est bien le seul endroit où il faudrait protéger ses pieds, des bris de verre sur le sable intimident le visiteur. Puis, je me dirige vers l'hostal Pujuru où je vais manger un petit déjeuner. Une rapide visite des alentours me permet de souhaiter une bonne journée au village.
Le soleil commence à me prendre de haut, il est neuf heure, je décide de progresser en kitesurf. Ma cabane se situe entre la mer et la cabane "kiteshop". Cette même cabane s'avère être la maison des propriétaires, mon lourd sac m'y attend, les toilettes sûrement moins. Avant d'utiliser ces cabinets il faut aller chercher un s'eau de mer. Heureusement, elle est à cinquante mètres.
Une heure de location me suffit pour prendre un grand bol de plaisir quotidien.
J'avale quelques chapitre du très bon "Permaculture, guérir la terre, nourrir les hommes", incroyable récit de l'expérience éthique, sociale, économique et agricole de Charles & Perrine Hervé-Gruyer. Non rassasié mais ne voulant pas gaspiller cette lecture, je m'oriente vers d'autres activités. Je survole la zone d'ombre qui m'entoure. Depuis plusieurs jours, je suis tout seul, donc avec tout le monde.
Je sors jouer avec les enfants des familles qui m'entourent, je connais nombre de leurs prénoms et eux connaissent le mien en retour. Je crois d'ailleurs que nous appeler est le principal de notre communication verbale, leur accent espagnol est aussi douteux que le mien, mais différent. Après force rires sincères avec la jeunesse Wayuu, je me décide enfin à assister à la finale freestyle. Elle clôture la compétition de kite qui a lieu depuis deux jours. J'y retrouve mes récentes rencontres, Wayuus ou étrangers. En exemple, Jim, un australien, en fait partie. Je crois comprendre trente pourcents de ce qu'il me dit, mes phrases ont malheureusement moins de sens pour lui. Nous nous entendons bien et encore une fois rigolons beaucoup.
La démonstration de freestyle est superbe. Huit secondes dans les airs pour le plus gros saut. C'est long huit secondes : un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit. C'est très haut huit secondes.
Je mange avec Camila, kitesurfeuse bogotanaise de passage au Cabo pour la sixième fois. Un tour à la tienda pour m'acheter l'eau vitale me sépare d'une sieste dûment méritée. Encore une fois je n'ai pas assez de monnaie pour mes achats, Jorge, comme tous les autres commerçants de la zone où j'évolue depuis dix jours, accepte sans problème mon ardoise de confiance. Je fais partie du village.
Je profite de mon heure de repos pour travailler mes rêves et concepts de vie future, doucement un cap prend forme. Je quitte ma cabane où j'ai pu écrire quelques lignes en admirant les prouesses aériennes des locaux. Il est entre quatre et cinq heure, je pars à la rencontre des visages fraîchement arrivés, nous échangeons sur nos voyages respectifs dans l'idée d'en définir la ou les prochaines étapes.
Le soleil se couche, comme à chaque crépuscule, il nous peint un ciel magnifique. J'apprécie particulièrement ce moment de la journée, où les derniers kites se détachent en ombres chinoises sur un ciel de sang.
Dann et Christina partagent leur poisson lors d'un passionnant repas où nous discutons de leurs expériences de journalistes internationaux. Dann est talentueux, il fournit les plus grands journaux mondiaux en reportages dessinés, magnifiques.
Nous nous séparons deux heures après le dîner, la "rumba" qui met fin à la compétition bat son plein, je me dois de profiter du rare interlude électronique minimal disponible. La soirée est intense, les discussions entre voyageurs d'horizons différents sont toujours très enrichissantes, le partage de l'alcool local avec les Wayuus l'est également. La soirée passe, le monde danse, le vent souffle, les étoiles brillent.
Ces jours à Cabo de la Vela m'ont confirmé ce profil "quotidienniste", s'enrichir du moment présent, de la rencontre, de la découverte et de l'échange permanents. Bien qu'un cap de vie soit primordial, une politique quotidienne, sans sombrer dans les vices hédonistes, s'oppose à une vision plus globale de la vie. Les fruits d'une vie menée dans sa globalité n'arriveront que sur le tard de l'expérience humaine, potentiellement non perceptibles car notre esprit n'a pas été préparé au bonheur. Le quotidien a l'exclusivité d'être tous les jours, il a le pouvoir d'être source de joie et de réussite en chaque instant.
"La soirée passe, le monde danse, le vent souffle, les étoiles brillent."
 

Desert storm

La Guajira partage avec les autres déserts du monde de nombreux traits communs, il est sec, aride, inhospitalier, imposant. Avec le village de Punta Gallina, la Guajira est la pointe Nord du continent Sud-américain. Quelque soit la température qui y règne, un désert est impressionnant pour la vie qui lutte pour s'y développer, inlassablement, précieusement. Au milieu des immenses étendues de sable un cactus brave le vent lacérant. Il est parfois accompagné d'arbres malingres, rachitiques, au premier regard branches sans vie, au second minimalisme survivaliste. Au plus surprenant se détache un fébrile bosquet, clin d'oeil de vie au milieu d'un visage de poussières, deux à trois espèces de cactus se marient à autant d'arbres. Le plus irréel, le plus fou et magique à la fois est la faune qui ose y survivre voire s'y développer. Quelques chèvres, en recherche vaine d'une source d'eau arpentent le plateau soufflé. Des vaches, handicapées par leur moindre agilité, se retrouvent cuirassées des rameaux applatis et charnus, raquettes aux crocs acérés des cactus. Mais, dans la grande majorité de cette région, rien ne vie, ce qui n'est pas brûlé par le soleil est balayé par le fouet de sable, instrument d'un vent omniprésent.
Le peuple Wayuu est le rassemblement indigène le plus présent en Colombie, plus de la moitié de la population de la Guajira en est composée. Comme les cactus, les arbres rachitiques, les chèvres arpenteuses et les vaches cactées, les Wayuus s'accomodent de la vie désertique. De la cabane isolée au village côtier la vie est similaire, l'activité se concentre autour des modestes cabañas. La fonction de ces huttes est élémentaire, pouvoir s'y reposer à l'abris du soleil et du vent. Le produit en est très simple, rustique dirait Robin, quatre murs faits de l'âme séchée des cactus délimitent la surface de la pièce, un toit en branches ou tôles protège du soleil. Les ouvertures, portes ou fenêtres, sans porte ni fenêtre, permettent au vent de circuler constamment et de maintenir une température chaude et agréable à vivre. Le sable, du désert ou de la plage, ne connaît pas la différence entre l'extérieur et l'intérieur de la cabane, il charme tous les pieds de sa chaude caresse. Entre les murs un râteau remplace le balais. J'aime marcher devant les maisons tôt le matin, le sable ratissé prend l'allure de la neige damée des jours d'hiver, douceur fragile et éphémère. Les hamacs en sont l'unique aménagement, accrochés à la structure plantée dans le sol, ils balancent paisiblement au dessus du sable. Ils seront, selon l'heure, lits, canapés, fauteuils ou armoires et sans les déplacer ils prendront tour à tour la forme d'une chambre ou d'un salon.
Avec Robin et Ben, quelques rencontres, beaucoup de hasard et plusieurs véhicules nous ont menés jusqu'à Cabo de la Vela, village Wayuu qui s'étend le long d'une large baie. Nous y découvrons les rudiments de la vie indigène, la simplicité suffisante des cabanes, l'artisanat local, la contagieuse nonchalance indigène, le soleil de plomb, le vent constant et la mer plate. Quelques centaines de foyers s'étirent autour de la piste qui fait parallèle à la plage. Nous y vivons pieds et torse nus une sobriété heureuse. Cabo de la Vela est un endroit magnifique, pittoresque et hors du temps.
Mais Cabo est différent des autres villages pré-colombiens, un illuminé y a amené non pas un ballon, ni une guitare ou même un jeu de cartes, le visionnaire leur a apporté et enseigné le kitesurf. Dans un village où l'électricité est seulement présente quatre heures par jour, où l'eau douce est une denrée rare et précieuse, les jeunes indigènes s'amusent à faire du kite. Dans ce drôle de paradis, il y a plus d'ailes que de ballons et de vélos réunis. Les enfants abandonnent quelques heures leurs bouchons-jouets qui creusent les empreintes de sable au profit d'impressionnants vols-plané par dessus les maigres bateaux de pêcheurs. Impensable contraste.
Pourquoi aller plus loin quand tant de belles énergies sont réunies dans un même endroit? Nous restons une dizaine de jours, ponctuant nos paisibles journées de retraite par des cours de kitesurf, dormant dans nos hamacs, à quinze mètres de la mer, cabane ouverte où les courants d'air et les locaux sont les bienvenus.
La providence, l'heureux hasard et l'inconnu nous ont menés dans ce paradis perdu, pas vraiment pionniers encore moins suiveurs. Nous y vivons surement les dernières heures d'un équilibre candide et sain avant l'incontournable arrivée de l'ogresse occidentale.

"Lorsque le désir résiste aux premières atteintes du bon sens, on lui cherche des raisons. Et on en trouve qui ne valent rien. La vérité, c'est qu'on ne sait comment nommer ce qui vous pousse. Quelque chose en vous grandit et détache les amarres, jusqu'au jour où, pas trop sûr de soi, on s'en va pour de bon."
Nicolas Bouvier

dimanche 5 juillet 2015

Il était une forêt

Amour de la jungle, encore une combinaison hasardeuse pour une passion unilatérale et une telle différence d'échelle. A défaut de mettre les mots justes sur les sentiments j'aime me perdre dans le magnifique, l'équilibre et la complétude des forêts tropicales. Je ne m'essaierai pas en métaphores de la Nature, elle en est la source.
Jamais, aucun homme ni aucune association d'hommes, au travers leurs oeuvres, symphonie, peinture ou révolution ne peut s'imaginer atteindre la magnificence de cette Nature. La perfection. Souvent trop parfait pour être beau au premier regard. Un insecte, une mousse, un champignon, une feuille ou une plume, un détail sans fin. Les maillons élémentaires de ces chaînes de vie jamais ne pourront être copiés ou reproduits par nos mains même les plus savantes et attentionnées. Mère Nature s'amuse à lier, entremêler, combiner ses milliards d'enfants pour créer une oeuvre encore plus grande. Ainsi vont sans fin les associations pour arriver à la réalisation suprême, la forêt, l'écosystème, l'autosuffisance. Qui pourra un jour se vanter de créer une oeuvre qui se régénère et change de visage au quotidien, une oeuvre qui se voit, s'écoute, se touche, se sent, se mange, se boit?
Prenons soin de cette fragile magie, respectons cette seule planète qui a le pouvoir de nous accueillir. Apprenons à l'aimer comme une Mère qui nous nourrit et non comme un consommable qui nous appartient. La dernière graine nous survivra, la Nature toujours vaincra, mais pourquoi mener un aveugle combat contre une entité dont nous avons besoin? L'humanité traverse-t-elle sa crise oedipienne? Espérons-le.

"Il était une forêt"
Luc Jacquet & Francis Hallé
Élu meilleur film documentaire de l'année 2013.

samedi 4 juillet 2015

Paradigme

Il existe quelques rares livres, dont la lecture, profonde immersion, est une savoureuse addiction, une dévotion du corps et de l'esprit. Pourtant, il arrive, pour une raison ou une autre, que l'ouvrage soit mis de côté, tronqué en plein corps. Son histoire, merveille de patience, sait attendre discrètement, de quelques semaines à une vie, un regain d'intérêts.
Et, un jour, pour la même raison ou une autre, nos yeux hagards retrouvent le délice de filer sur l'architecture littéraire de l'oeuvre, où nous l'avions abandonnée. Comme si jamais la lecture n'avait cessé, l'ensemble reprend vie, identique, immédiat. L'extase absorbe le reste du monde.
L'Amitié est l'un de ses rares livres, que l'on peut fermer puis ouvrir dans une vie.

J'ai la chance, précieuse, de retrouver deux de mes livres favoris, ceux de Robin et Charline. Fortes intrications mais histoire et enseignements différents. Je m'y oublie. Dans cette lecture, je découvre avec grande joie de nouveaux protagonistes tout aussi surprenants par leur vitalité. Rebecca, Arnaud et Morgan font leur apparition.
La cinquantaine de jours passée en leur compagnie est très intense, enfant de la rue accueilli dans une famille déjà nombreuse. Ensemble nous découvrons et apprenons beaucoup. Rares sont les jours où nous ne menons une activité pour la première fois. Beaucoup de réalisations matérielles, compensations bienvenues dans notre ère insipide de réalité virtuelle. Nos mains molles, onanisme d'un clavier pathologique, peinent face aux besoins d'agilité des ciseaux, de précision d'un marteau, de puissance d'une machette. Nos cerveaux engourdis de théorie n'osent se risquer à une installation électrique élémentaire. Mais nous apprenons, pas à pas, souvent de nos erreurs, à devenir fonctionnels. Quelles sensations gratifiantes de voir Robin les cheveux coupés, l'eau couler d'un robinet asséché, une lumière nous sortir de la pénombre, de jeunes bananiers nous offrir une nouvelle palme. Comment définir le privilège et la fierté d'être assis autour de la table réalisée par Rebecca sous les lumières installées par Arnaud pour manger, bientôt, les fruits et légumes cultivés par Morgan? Plénitude quotidienne.

Je suis également tombé amoureux à Minca. Un amour connu mais oublié a refait surface. Chaque jour plus puissant à mesure de ma découverte. La jungle.

"Le trajet, qui incarne le voyage dans l'espace, diffère donc de l'étape, qui incarne le voyage dans le temps. Le trajet est de l'ordre du physique et de la perception, l'étape de l'ordre de l'intime et de l'émotion".
Patrick Manoukian

Bogotà

Bogotà. Bogotà est la capitale de Colombie. Bogotà, dix millions d'habitants. Bogotà, 2600 mètres d'altitude. Bogotà. Bogotà n'est pas une ville touristique. Bogotà est polluée. On ne vit pas dans une ville touristique. Bogotà, on la traverse ou on y reste.
Elle a cette magie, partagée avec d'autres mégalopoles, de paraître à une immense fourmilière. De près, voire de l'intérieur, un désordre généralisé y règne, beaucoup de monde, dans tous les sens, dans toutes les directions, dans toutes les fonctions. On s'arrête, n'importe où, échange quelques biens ou informations, puis repart dans une direction à première vue aléatoire. Microcosme à grande échelle. Puis, en s'éloignant, en apprenant à la connaître, l'enchantement prend vie. Comme pour la fourmilière, derrière l'agitation et le trouble apparents s'organise une puissance structurée, Bogotà.

Je suis chaleureusement accueilli et accompagné par Ava et Jon pour mes premiers pas en territoire colombien. Leur connaissance de la ville et de son organisation doublée d'une sympathie engageante me permettent de rapidement découvrir diverses facettes de Bogotà. Je passe une semaine en leur compagnie ou seul, à errer de rue en rue comme j'ai l'habitude et le plaisir de faire.
Les quelques pas en cette terre nouvelle me permettent de découvrir le rythme, l'architecture et la vie dans un pays qui m'etait jusqu'alors inconnu. Les surprises sont fortes et nombreuses. Si Créateur existe, quand il dut dessiner, sur le tard de son oeuvre, le fruit du métissage des peuples précolombiens, africains et européens, Il avait l'expérience des exigences humaines. Les colombiennes sont belles, richement proportionnées, aux traits fins et sourire sans complexe. Reine des fourmilières, fourmilière des reines.

Mais derrière cette consommation en vitrine l'appel d'un des objectifs de ce voyage se fait ressentir, celui de retrouver mes compagnons d'aventures, Charline et Robin. J'en suis trop près pour en rester distant. Transgressant consciencieusement mes volontés de voyage à vitesse humaine et d'imprégnation de l'essence des espaces, j'embarque dans un nouvel avion pour Santa-Marta, à la découverte de la belle impétueuse forêt tropicale et aux retrouvailles des amis trop longtemps trop loin.

"On ne voyage que dans l'abandon. Sans horaire. Et, de préférence, sans retour".
Franz Bartelt

Plumeau

Deux mois sans écrire, sinistre bilan pour un récit de voyage. Bogotà est déjà trop loin pour en chanter les merveilles. La joie des chaleureuses retrouvailles s'est évanouie derrière la peine des longs adieux. Le désert a remplacé la jungle chatoyante.

Quelques pistes d'articles tombées à l'abandon sur un coin de page, dernière cigarette sans envie, mise de côté pour un lendemain, mais qui jamais ne retrouvera le chemin de nos lèvres.
De ces pistes, je vais essayer un chemin, comblant les manques avec des souvenirs probablement altérés. Mais si moi-même je ne suis détenteur de la réalité vécue, qui l'est?

Essayons.

"La paresse, c'est l'habitude de se reposer avant la fatigue".
Jules Renard

samedi 2 mai 2015

Saint-Martin ou la vie sauvage

Quelle terrible épreuve de quitter l'écrasante langueur qui fait suite à une profonde immersion. Comme Lima à la suite de la jungle, je ne peux pas réellement apprécier Saint-Martin. Disparition éclair d'une communauté autonome idyllique. Sevrage sans appel. Il faut à nouveau parler pour être compris. Le langage du corps, aussi élémentaire qu'il soit, n'est pas partagé avec mes nouveaux inconnus. Tout reconstruire? Impossible dans un port où les hommes passent comme le vent souffle. Le temps incompressible fait son retour, je l'avais oublié sur l'eau, adorant l'océan un instant comme une journée. Terre, où l'argent est la règle d'or. Agir, s'organiser, je ne sais plus faire, le bateau filait sur l'eau, ou ne filait pas, indépendamment de nos volontés. Je me retrouve seul, si je ne fais rien, rien ne se fait.
J'ai besoin d'une nouvelle embarcation, rapidement, vers le Sud-Est, pour retrouver ma quiétude évanouie. Je déambule donc dans les ports et leurs morpions de bars à marins pour trouver suite au voyage. L'idéal serait un départ pour le Panama, la route s'approche de Cartagena. Sinon la Guadeloupe puis la Martinique et d'île en île jusqu'en Colombie, sauts de puce antillaise.
Je croise le chemin de nombreux marins en tour du monde, échoués aux Antilles depuis des années, les plus voyageurs échangeant les précieux organes de leur voilier-vie contre le maladif crack endémique. Rêve d'une vie contre absolu immédiat. Les jours passent, mes annonces s'empilent sur les tableaux d'affichage et diverses bourses aux équipiers. J'atteins mes limites de prostitution intellectuelle pour séduire de potentiels capitaine prêts à reprendre la mer. Heureusement, quelques festives rencontres me permettent de garder la tête hors de l'eau pour la plonger dans le rhum des îles, survie provisoire.
Une semaine de bateau-stop et rien, pas l'ombre d'un navire pour l'Amérique, pour les uns il est encore trop tôt, pour les autres déjà trop tard, pour moi trop hypocrites.

Je me décide à aller explorer le Nord de l'île à pied, à défaut d'y trouver un skipper pour flotter en mer, je sais que le moral refera surface. Je me lève avec le soleil pour éviter ses ardeurs de milieu de journée. Organisé à l'indienne, je quitte le bateau à midi (je peux rester sur "Devine Sailing" quelques jours encore, les pièces du dessalinisateur ne sont pas encore arrivées). Il fait très chaud quand j'entame l'expédition, la douce voix de la speakrine m'avait annoncé "au plus froid 27˚C", j'adore cette oxymore informatif. Je marche en peine sur un sentier de poussières quand il disparaît à l'orée du maquis cactier. Saint-Martin, saint-patron de la défiscalisation, ne fait pas de ses riches amateurs de casino de grands marcheurs, cette randonnée est retournée à la nature il y a sûrement plusieurs années. Tant bien que mal je me fraie un chemin dans cet enfer végétal, j'y cède un peu de peau et une bonne partie de mon unique et préféré T-shirt. J'ai du parcourir six cent mètres en une heure quand j'aperçois une zone plus dégagée en contrebas. Rebrousser chemin dans cette jungle d'épines serait un échec. Les quelques coups de fusil  en écho dans la montagne me font hésiter mais je m'essaie tout de même à la descente. En trente minutes je "dévale" les pauvres cent mètres de dénivelé sacrificiel. Foule s'active dans la vallée, une cinquantaine de bovins me bloque le semblant de piste retrouvé. L'esprit fermier, je tente de les mouvoir. Rien n'y fait, arrivant à moins d'une foulée des bêtes, elles se lèvent en cerbère d'une porte interdite. Je les fustige du regard, dans le blanc des cornes, longues et effilées. Petit retour dans le maquis pour contourner ce barrage douanier. "Mort aux vaches". Je distingue enfin la mer, j'accélère le pas, un cochon en sieste fait office de gardien d'une mignonne crique isolée. A peine cent mètres de plage. Deux falaises plongeantes dans l'eau cristalline me séparent du reste du monde. Je quitte rapidement ce qui me servait encore d'habit quelques heures plus tôt et cours dans l'eau. Je nage tranquillement au milieu d'un environnement épargné par la folie humaine. Beaucoup de vies s'agitent sous la surface et je manque d'un masque pour en profiter. Le souvenir des murènes de la plongée précédente m'effraie. Je m'en retourne rapidement à terre, mettre ma nudité hors de portée. Le vent tropical a vite fait de sécher le sel de la plongée et la sueur de mon effort. C'est donc sec que je contourne, en grimpeur occasionnel, le mur de roches qui me sépare de l'Anse Marcel, cible originelle du treck d'où je pourrai repartir en stop aisément.

Quelques jours et un billet d'avion pour Bogota plus tard, je décide de m'aventurer dans Sandy Ground, zone "à risque" de l'île selon les souvenirs de marins avec qui j'en ai discuté. En effet, à peine le lourd pont levant qui ferme le lagon dépassé j'arrive dans le vif du sujet, le sourd grondement des monocylindres résonne dans cette "Concrete Jungle". Entre les restes de voitures qui délimitent la route, véritable tombeau à iguanes, ont lieu des joutes contemporaines. Un bouquet de rastas et une paire de solaires pour seules protections, des grands black, Dark knights, s'affrontent en wheelings et autres mot'acrobaties à plus de cent km/h. Forcément, j'adore, mais discrètement. Je continue mes pérégrinations au milieu des puissants sound-systems qui ornent chacune des terrasses de ce chapelet de cabanes métalliques. Encore une fois, j'adore, toujours en secret.

"Je préfère me dire que le mieux est l'ennemi du bien, comme le pire est celui du mal."
Aldous Huxley

samedi 25 avril 2015

La transatlantique

Loin de l'imaginaire tempêtueux, calqué sur les récits du capitaine Achab alors en chasse de Moby Dick, la transatlantique n'est pas entreprise risquée. Bien sûr, à toute activité sa période, et si la conscience collective nous préserve de la dangereuse baignade de minuit soir de saint Sylvestre, il en va de même pour la traversée où les cycloniques Antilles sont à proscrire de Juin à Octobre. Précautions prises, je peux m'adonner sereinement à alimenter mon temps libre d'activités, sans projet autre que l'émerveillement : admirer le soleil, infatigable, traçant sa course sans fin, lire l'histoire que me conte le ciel au travers de ses volumes nuageux, regarder la vie sauvage se laisser surprendre par notre curieuse présence et, bien sûr, déchiffrer les mythes des constellations nocturnes. Mais Loin de moi l'idée de s'oublier dans ce paradis vierge, je m'attelle également à des activités à forte valeur ajoutée: flûte irlandaise, prose éclairée et croquis avant-gardiste.
Le temps de prendre son temps, se redécouvrir, faire pas à pas le chemin de la "liberté".
Pas à pas, et non plus vite, car nous mettrons un mois à traverser. Partis le 21 Mars de La Rochelle, nous arrivons le 21 Avril à Saint-Martin, exit Tortola, comme prévu initialement. Sept noeuds de moyenne, soit un petit treize kilomètres par heure, vitesse à laquelle Mr Dupond enfourche sa bicyclette, mal réveillé, pour rejoindre eco-respectueusement son lieu de travail. Mais l'Atlantique, à 13 km/h, c'est une autre paire de Manche. Pouf, pouf. "Mais que faisaient-ils dans cette galère?" Pouf, pouf. Nous ne sommes pas à plaindre dans notre petit appartement, 80 m² habitables, 150 m² de terrasse, à 13 km/h entre nul part et plus loin. Ma petite île à moi, avec sa petite plage, qui dérive tranquillement.
La pêche est fructueuse au sortir des Canaries, deux thons obèses dit "big eyes", trente-six kilos à tous les deux, rejoignent les bières au frigo. Une bonite de douze kilos s'y invitera le surlendemain. Je m'occupe à en tirer les filets, avec, en récompense, la bénédiction d'une bonne douche à l'eau de mer mais surtout l'autorisation de me rincer à l'eau douce. Car le dessal' est toujours en vrac, nous n'avons pas pu le réparer dans les îles espagnoles. Sale histoire pour un bateau qui, loué à la semaine, n'est pas sensé fonctionner sans. L'eau est donc réservée au strict minimum : café et eau de cuisson. Lessive et douche à l'arrivée. Pas de problème pour moi, je suis quelqu'un de propre donc pas besoin intrinsèquement de me laver. J'arrive même à "épargner" trois caleçons pour l'arrivée, à savoir combien j'en avais embarqués... Les faveurs du capitaine me permettront tout de même une seconde douche à l'eau de mer et le convoité rinçage à l'eau douce. On m'apprend sur le tard l'utilité des bains de soleil (l'étymologie douteuse de cette expression sort enfin de son ombre!), ils permettent l'assainissement de la peau et d'éviter entre autre les furonculoses liées à un défaut d'hygiène certain. J'en profite pour me frotter avec quelques rayons de soleil sous les bras et sur les fesses. Tout va bien.

En grandes lignes, cette traversée peut se décomposer en deux volets, le premier, du port de départ jusqu'au large du Portugal. La mer est dure, l'eau froide et le vent d'avantage. L'océan, à 11˚C, régule la température des cabines, sous la surface. L'air, le vent, chargé d'embruns salés, oscille entre 8 et 12˚C les belles journées. Belles journées que nous n'avons que trop peu côtoyées. Je m'emballe dans toutes les épaisseurs que j'ai à ma disposition, empilement stratégique de première et seconde peaux, polaire, sur-polaire puis salopette/veste de quart le tout assorti de quelques paires de chaussettes avec leurs bottes. Je tiens par ailleurs à remercier mon frère dans ses pérégrinations norvégiennes, ses premières peaux de "vikings" me furent fortes utiles. Atlantic crossing approved. Sur cette première étape, j'ai également fait la découverte, à mon insu, que tout ce qui entre en contact avec l'air salin ne sèche pas et a même la fâcheuse tendance à s'humidifier. C'est donc en humide artichaut humain que je fais mes quarts. Avec un vent à 25 noeuds, la température ressentie frise le très froid, voire un peu moins, le bonnet et les deux capuches sarcophages n'y changeront pas grand chose. C'est une expérience sublime, mais somme toute, plutôt fraîche. Disons que ça donne du cachet.
Heureusement, ce n'est que l'histoire d'une semaine, vivement le second volet.
Nous rattrapons rapidement les alizés tropicaux et les chaud courants océaniques, 27˚C sur la fin, pour le coup il fait chaud dans les cabines... J'abandonne petit à petit mes couches pour finir les quarts en short, tous poils au vent. Je n'ai d'ailleurs pas remis de chaussures depuis les Canaries, trois semaines pieds nus, quel sentiment de liberté. Bernard Moitessier vante la simple tenue d'Adam. Mais sans Eve dans les parages et surtout par respect pour l'équipage je ne m'y risque. Après la première fois, la prochaine fois.
Chaleur montante, l'inspiration me fuit, et je suis victime, contre mon gré, de l'adage des terres antillaises que nous rejoignons, soit "doucement le matin, tranquille l'aprem". La flûte rouille bon train, crobards et textes inspirés sont laissés de côté. Pourtant les étoiles sont avec moi toutes les nuits, plus spectaculaires que jamais, les quarts agréables et sereins, les poissons volent, même les danseurs font leur retour sur les derniers jours. Mais l'inhabituel ne l'est plus. L'expérience continue dans sa perfection mais la magie a cessé d'opérer. Aucun mal, on s'arrête rarement à la suite d'une belle première fois, non?
Et l'inconnu pointe le bout de son nez, de nouveau, à moi le pays de Garcia Marquez où je vais retrouver avec grande joie mes chers Cha, Rob & co.

Merci équipage, JP, Philippe, Alain et Christophe, pour ces franches marrades, bonnes bouffée, sérieuses discussions et belles histoires. Merci Christophe, capitaine, de m'avoir accepté à bord et fait confiance. Merci Nono de m'avoir fait découvrir la voile il y a quelques mois. Merci les padres. Merci Pierro, Loulou, de montrer l'exemple au grand frère. Merci Lano, Ju, Boulenger d'oser. Merci Cha, Rob de m'avoir donné une raison pour repartir. Merci à tous les ami(e)s, c'est un plaisir et une fierté de vous avoir.
Merci Esmeralda.

Échantillon

Vie à bord en images

Pâles copies

À mesures que nous nous éloignons de l'archipel espagnol, sans franchement nous rapprocher des Amériques, nous quittons les eaux peuplées. L'escorte émouvante des cent cinquante dauphins était, avec une semaine de recul, un long adieux. Ils ne viendront plus illuminer mes journées de leur douce présence. A leur tour, les oiseaux nous tirent leur révérence. Et un matin, pourtant si semblable à tous les autres, plus rien. Du soleil, du vent, de l'eau. Loin derrière nous se cachent désormais les dernières terres et les 6 000 mètres qui nous séparent du fond marin font de ces eaux un bagne abandonné. Plus rien, nada, nothing, nichts, niente. Du soleil, du vent, de l'eau. Nous sommes aux milieu de l'océan Atlantique. Si son hospitalité est proportionnelle à la distance aux côtes, dix autres jours seront nécessaires pour survoler cette désolation désertique. Implacable réalité.

Les ergonautes

Qui sont ils à se cacher derrière ce sympathique nom d'explorateurs de l'espace? De la taille d'un poing de maçon, leur corolle se cache juste sous le niveau de l'eau. Déchirant la surface, rosée sur l'arrête et bleu lagon sur le reste, une mince dorsale leur fait office de voile. Un oeil exercé les aurait repérées dès les Canaries, ces petites méduses qui ont du inspirer bien des pêcheurs dans une ère maintenant révolue. Elles se laissent flotter, leur ergo, tel une aile au vent, les tire sur des centaines de milles au travers des océans. Comme bien d'autres, elles sont aussi belles que dangereuses, laissant danser leurs meurtriers filaments au gré du courant.
Faisant fi qu'ils m'interdisent l'accès à l'eau, je les apprécie ces coquets petits voiliers, vagabonds solitaires à la conquête des mers & océans.

Les exocets

Je ne l'ai pas vu arriver. Il vole à côté du bateau, au raz de l'eau, jouant avec l'air qui sculpte les vagues, passant des unes aux autres à l'instar des grands condors, de vallée en vallée, par delà les hauts sommets andins. Mais ce petit oiseau n'en est pas un. C'est un exocet, plus communément appelé poisson volant. À mon grand étonnement ces hybrides, plus que de planer entre deux creux, volent vraiment. Ils font d'ailleurs preuve d'une grande agilité aérienne, en enchaînant de rapides virages à angle droit, pour passer d'une onde à sa voisine. Si la vitesse vient à leur manquer, ils frappent la surface avec leur nageoire caudale, gardant le reste du corps hors de l'eau, tels des ricochets en bord de mer. Je les vois souvent seuls ou par deux ou trois, mais parfois ils sont plus de cent, escadrille en rase-motte. Hélas, ils ne sont pas aussi malins qu'habiles dans l'eau ou l'air et c'est régulièrement que je déplore les dépouilles inertes de quelques têtes-brûlées venues s'écraser sur le pont de notre vaisseau. Drôles d'oiseaux.

"À minimiser le risque, risque de se minimiser."

Starboard

Cette nuit, le premier quart est de nouveau pour moi, je l'attendais avec impatience. Je n'arrive que très rarement à fermer l'oeil avant minuit, autant être dehors à veiller sur les autres et profiter du bon air frais que de tourner en rond au fond de son lit. Ce soir l'alizé tropical nous pousse tranquillement (lentement?) à cinq noeuds sur une mer calme. Je décide de déserter le poste de barre au profit du confortable trampoline à l'avant du bateau, grand filet de 2x6 mètres. La dernière fois que je m'y étais installé, j'avais du quitter ma position en vitesse, complètement trempé, une vague d'étrave maline s'étant jouée de moi. Mais cette nuit je glisse en surface sans inquiétude.
Une fois encore, la Lune a décidé de ne pas se présenter à notre rendez-vous. Tristement homme, je lui cours après dès qu'elle me tourne le dos. Si elle me revient, la terrible impression qu'elle m'en demande trop fait ses ravages. Mais cette nuit elle ne viendra pas, madame n'est pas là. Profitons-en, je comptais sortir, voir du monde. Et puis, sans jalousie aucune, elle a son cercle de prétendants, je fais pâle figure derrière mille autres plus vertueux. J'irais chanter ma lente complainte à qui voudra l'entendre.
Les étoiles sont toutes là, d'un horizon à l'autre, nuit majestueuse. La Voie Lactée s'est parée de sa plus longue robe, traversant l'espace. Quelques étoiles filantes me saluent promptement. Mais la voilà, unique au milieu de toutes. De la Lune elle sait se faire discrète, autrement plus noble, plus raffinée. Vénus, elle sera la muse cette nuit.

"Give me a reason to love you"
Portishead

Échantillon

Vocabulaire du bord.

Winch, trampoline, taquet, ris et bosse de ris, refuser, manivelle, lofer, haubans, guindau, génois, genaker, filière, enrouleur, empanner, écoute et point d'écoute, drisse, choquer, chandelier, chaise, cabestan, border, aussière, amure et point d'amure, abattre...

"Bois sans soif, marin d'eau douce, ectoplasme, bachibouzouk, tonnerre de Brest, flibustier, moule à gaufres, mille sabords, @#*% !"
Hergé

Maman les p'tits bateaux

"Maman les p'tits bateaux qui sont sur l'eau ont-ils des jambes?
Mais oui mon gros bêta car s'ils n'en avaient pas ils ne marcheraient pas."
Belle gazelle, 6500 mètres en jambe au milieu de l'Atlantique.

"Bonnes nouvelles? Bien-sûr, puisque les mauvaises nouvelles n'existent pas : il suffit de les prendre à l'envers pour voir leur bon côté."
B. Moitessier

L'âge du capitaine

Philippe, JP et Christophe, le capitaine, ont à tous les trois 172 ans. JP et le capitaine sont de la même année, je viens pour ma part d'avoir 26 ans. JP débarque aux Canaries, Alain qui a eu son baccalauréat en 1962 le remplace. La moyenne d'âge à bord est maintenant de 52 ans. Le capitaine a les yeux bleus. Notre position, alors que j'écris ces quelques lignes, est 22˚34' N, 35˚13' W. Quel est l'âge du capitaine sachant qu'il y a 8 ans, Philippe et moi avions à tous les deux l'âge d'Alain?

"Il n'y a pas mieux accompagné que celui qui voyage seul"

Échantillon

Danseurs en images

Aux acrobates

Jours comme nuits, ils ont toujours été là, à percer l'uniforme plafond nuageux des rayons d'espoir qu'ils sont. Les dauphins, fils de l'océan. Je les retrouve souvent en fin d'après-midi à narguer notre proue phallique, lourde et têtue, faisant son chemin de force à travers une houle désintéressée. Ils sont là, en pirouette, en saut, en souplesse, pour le plus grand plaisir de ma caboche ébahie. Je ne m'en lasse pas, au contraire, j'apprends, j'identifie, je reconnais. Chaque jour est une nouvelle leçon à laquelle j'assiste avec enthousiasme. Ils sont en général entre cinq et dix à pavaner devant moi, dauphins-guides.
Mais aujourd'hui, c'est mon anniversaire, ou ma fête, peut être même les deux. Je les reconnais de loin, la manière dont ils percent l'écume moutonnante sur le dos des vagues, ils sont nombreux, très nombreux. Quarante, cinquante, soixante dauphins me rejoignent, à l'avant du bateau, dansent pour mes seuls yeux. Ils sautent à mes côtés, me sifflent, me proposent de les rejoindre. Ils sont là, avec moi. Le temps s'arrête. Je ne sais plus où poser les yeux de peur de louper une goutte de leur parade, et j'en loupe. Meilleurs élèves de la Maîtresse des Arts, la Nature, ils m'offrent le plus beau spectacle auquel j'ai pu assisté, la plus belle demande.
Ma tête tourne, la vue se trouble sous la forte émotion : l'eau bouillonne au Sud-Ouest devant moi.
Ils ouvrent l'océan, la charge immanquable d'un cirque aux nobles acrobates. Ils sont peut-être cent, sûrement même, à rejoindre les autres. Je ne pense plus, vaporisé au cœur d'un feu d'artifices vivant, de nature, de liberté.

Folie pure

Ketch à tribord

Nous avons repris la mer il y a quatre jours laissant  Hierro, dernière île occidentale des Canaries, derrière nous il y a une cinquantaine d'heures. "Devine Sailing", notre catamaran, navigue maintenant seul, loin des routes commerciales. Nous filons bon train avec une moyenne entre 8 et 10 noeuds. Cette nuit, je suis du quart le plus difficile à mon goût : 3h - 6h. À 3h j'ai déjà quelques heures de sommeil au compteur, il m'est difficile de sortir de ma chaleureuse léthargie. À 6h, je peux encore profiter de deux à trois heures dans les bras de Morphée, la cafetière en solitaire est donc à proscrire. La lutte est difficile dans cette bataille inégale, je sais que la nuit sortira vainqueur de ce combat d'endurance. Réveil toutes les cinq minutes pour balayer l'horizon et les quelques instruments de navigation d'un regard endormi. Mes yeux se cachent tous seuls derrière leurs pesantes paupières mais mon ouïe reste en éveil à guetter le moindre sifflement inhabituel.
Il doit être environ 4h20 lors de l'un de ces pénibles réveils, mon regard glisse las sur une ligne qui me semble délimiter le ciel de l'océan, rien. Un sursaut lumineux me sort de cette lourde torpeur dans laquelle je me confondais si bien. Coup d'oeil réflex sur l'AIS : vide sidéral. L'AIS est un système émetteur/récepteur radio qui permet l'échange d'informations de navigation avec les autres embarcations (position GPS, cap, vitesse et bien d'autres). Ce système permet entre autres de nous alerter si la route programmée en croise une autre. Nous n'avons bien sûr que la fonction récepteur à bord. Voir sans être vus. Sur un thème d'Hans Zimmer je me laisse porter par un léger et plaisant sentiment pirate. Au milieu de la nuit, jouer au loup avec les super-tankers n'est pas du meilleur goût. Bref, une lumière s'agite au large mais rien sur nos écrans. Un bilan succinct me rappelle qu'un clignotement orange signale un casier. Le ballotage des vagues me le propose un coup à bâbord, l'autre à tribord. La moyenne serait que je file droit dessus. Je continue sur ce cap et passerai sous le vent de cette bouée par mesure de sécurité.
De longues minutes s'écoulent. Ma pompe à sang s'emballe, la lumière ne semble pas vouloir se décrocher de l'horizon malgré les milles parcourus. La matière grise a du mal à chauffer sur ce créneau bâtard mais elle me laisse cependant entrevoir qu'un casier par 4500 mètres de fond à 600 milles des côtes n'est pas monnaie courante. Ce n'est donc ni un casier ni un paquebot.
Quelques sabliers à scruter la cible m'en rapproche. C'est un voilier qui déchire la ouate nocturne juste devant moi! Je continue ma lente traque dans son dos. Mon fier carrosse fend l'écume à plus de onze noeuds cette nuit, imprenable au reaching. En quelques galops je me trouve à une centaine de mètres sous le vent d'un superbe ketch de soixante pieds, foc, grand voile et artimon au vent. J'abats d'une dizaine de degrés pour prendre le temps d'admirer cette belle architecture et de calculer la probabilité de passer si prêt d'un autre voilier au milieu de l'océan. Les voiles claquent au vent, rageuses de cette conduite aux mors. Le bateau retrouve l'allure de travers qui nous a fait triompher du monocoque et nous en éloignons rapidement. Je m'en retourne serein et victorieux à la table à cartes. Mon quart se termine dans vingt minutes. Épuisé, je m'endors sans mettre de réveil, les oreilles toujours à l'affut.

Esmeralda

Ô mon Esmeralda, caresse sauvage, croquants baisers et poison parfum, rêve maudit.
Cette nuit, la Lune, jalouse de ma lâche tromperie au bras des faciles photophores urbains a écrasé toutes rivales. De sa ronde splendeur elle a tu le chant rayonnant des étoiles. Elle a brisé le corps véloce de la houle océane. Elle a assommé le scintillement du simple plancton marin. Même les habituels danseurs de minuit n'ont osé me surprendre de leur dernière représentation. Sa blancheur charnelle a tout écrasé, jour au milieu de la nuit.
Cette nuit, comme toutes les autres, les longues boucles de sa sombre crinière me resteront interdites.
Ô Esmeralda

lundi 30 mars 2015

Rescue Ship

Samedi 28 Mars 2015, 18:30 TU, large des côtes marocaines, à 30 milles des terres les plus proches, nous repêchons une jeune âme sur le bord de la noyade, sûrement déportée des sols africains par les puissants vents et courants. Nous l'installons rapidement au chaud, dans notre carré, avec nourriture et eau pour qu'elle se refasse une santé. La fatigue l'atteint plus vite que nos offrandes et elle s'effondre sur les épais coussins, s'envolant vers le confort de ses rêves.
Je suis du dernier quart cette nuit là, 6h-9h. Je m'introduis délicatement dans le cockpit sans troubler son sommeil pour rejoindre le poste de barre. Les premiers rayons du jour la réveillent, visiblement rétablie de l'éprouvant épisode de la veille bien qu'elle n'ai toujours rien mangé. La petite hirondelle nous quittera quelques heures plus tard.

"Si tu peux rester, reste.
Pars s'il le faut."
lu dans B. Moitessier

Cap Finistère

Pointe espagnole du golfe de Gascogne, connu pour malmener les marins en son territoire, le Cap Finistère a confirmé sa puissance. Un sportif 35 noeuds s'y établit, montant jusqu'à 50 en rafales. Allant de paire, la mer se muscle, s'armant de creux vertigineux. Coquille de noix au milieu d'un jacuzzi. "Je dois livrer un bateau neuf" se dessine désagréablement sur les lèvres du capitaine aux yeux d'un bleu rincé par les années en mer. Cap S-E, direction Vigo, escale forcée pour laisser passer la tempête.
Après plusieurs milles sur ce nouveau cap, les derniers m² d'un foc bien enroulé fleurissent à l'horizon, au vent. L'ego du loup de mer, piqué au vif, reprend l'ascendant sur le convoyeur précautionneux, compas plein  S-O. "Baptême du feu" seront ses mots. Frappé, secoué, essoré mais restant trempé sont les miens.
Le monocoque, lièvre de notre lévrier, fit escale quelques milles après son apparition.

"Riche de ses expériences,
Jeune de ses rêves."

La vie à bord

Les journées à bord ont un rythme différent à celui que j'ai pu connaître à terre, le rythme des vagues, heurtant la carène sans discontinuité ni régularité, jours et nuits. La gite et le tangage transforment chaque action du quotidien comme un défi à part entière : lire, cuisiner, servir le café, tenir debout, manoeuvrer, maintenir son matériel dans un endroit précis, dormir et bien d'autres. Poséidon, ou un de ses confrères, m'a préservé du mal de mer mais il me faut tout de même quelques jours pour bien m'amariner. De régulières siestes permettent d'accélérer le processus et aussi, voire surtout, de se remettre de la constante sollicitation mentale et physique pour maintenir la projection de son centre de gravité à l'intérieur de son polygone de sustentation, soit dit : tenir debout sur ses pieds.

La journée
Un peu de lecture segmente nos riches discussions et les longues heures passées à scruter la lente approche de l'horizon sous le vent tandis que s'éloigne celui qui s'étale derrière nous. J'avance oreilles et yeux grands ouverts sur ce nouvel épisode de la vie, pleins phares sur l'omniprésent inhabituel.

La cuisine
Imaginez vous préparant votre met favori dans une caravane lancée à 20km/h sur une piste défoncée en pleine montagne. Ce n'est pas facile. Pour nous non plus, tout bouge, il ne faut rien renverser, rien casser, ne pas se brûler et en plus satisfaire l'appétit du capitaine!
Néanmoins nous mangeons comme des rois, frigo et congel' sont les bras droits du souvent à la tâche JP. En vrai capitaine Christophe a armé le bateau de quelques caisses de vins et bouteilles de spiritueux. Le déssal' est en vrac, nous rationnons l'eau, mais nous ne mourrons pas tous secs, sinon bien conservés dans l'alcool.

Les quarts
On peut parler de désert océanique où les rares caravanes berbères ont laissé place aux imposants cargos, suppliers, porte-conteneurs et super-tankers. Il faut conserver une veille visuelle toute la nuit pour éviter de croiser leurs indéroutables traces. Encore plus important, le vent, notre plus bel allié peut retourner sa veste en quelques secondes et devenir notre pire cauchemar. Un oeil vissé sur la girouette l'autre sur l'anémomètre nous alertent s'il faut rapidement changer de cap ou réduire la voilure. Nous avons divisé la nuit, de 21h à 9h, en quatre quarts de 3h, nous tournons chaque jour.
J'aime bien les quarts, principalement les deux premiers créneaux, seul esprit éveillé sur des centaines de milles à la ronde, roi du bateau, prince de cette nuit. En général aucune manoeuvre à déclarer et si je dois loffer ou abattre de plus de 15˚, réduire ou hisser, j'attrape le capitaine entre deux rêves et lui fait part de mes initiatives avant de mettre la bête en branle.
Seul, pas vraiment, ma compagne la lune illumine de son jeune croissant mille chiens fous, courants corps et âme entre elle et mon vaisseau, psychédéliques reflets sur la houle chaotique. Les nuits où elle ne souhaite me rendre visite, je noie mon amer chagrin dans la contemplation des ballets de dauphins, infatigables danseurs. Ils virevoltent au milieu des éclairs lumineux, fruits du plancton fluorescent, belle réplique à la somptueuse voûte étoilée.

Le lit
Pour ce qu'il en est de dormir à bord, je définirais la situation comme la combinaison du ballotage d'un foetus en son bienveillant ventre maternel et l'impuissante solitude d'une plume dans un tambour jour de carnaval. L'un dans l'autre je m'endors difficilement et rêve très bien.

"La plus triste des procrastinations est de ne pas vivre aujourd'hui"

L'équipage

Puzzle à quatre pièces qui se combinent relativement bien. Quatre personnalités hétéroclites qui se complètent plus que ne s'affrontent. Un charismatique capitaine, un grand cuistot, un nouveau voyageur à la quête de soi et moi. Oisillon sous l'oeil protecteur de ses trois aînés, 170 années de vagabondage et d'histoire me font face, j'en prends plein les mirettes!

Le Capitaine, Christophe
Fier régatier des 80's où il a couru avec et contre les grands noms que l'océan a connu, Christophe a du vent pour veine et de l'eau salée comme artère. Sérieux concurrent au concorde en volume de traversées, son année 2014 se résume à quatre transat' et une transpac'. Quelques balades pour le plaisir élèvent le compteur à plus de 290 jours sur l'eau. Je suis entre de bonnes mains "mine de l'air de rien" selon les propos du concerné.

Les équipiers, Philippe et Jean-Pierre
Inconnus du capitaine avant la traversée, JP vient prendre l'air jusqu'aux Canaries, noble pédagogue doublé d'un bon conteur il est également le rayon de soleil de nos cuisines. Philippe, lui, a pour projet la transatlantique en solitaire, il nous rejoint pour faire ses armes en équipage.

"Seul on va plus vite,
Ensemble on va plus loin"
proverbe Africain

La Rochelle - Las Palmas

Départ de la Rochelle samedi 21 Mars après 3 jours d'avitaillement et surtout de préparation du bateau (inventaire, gréage, montage des ancres, protections & co). Nous attendons le début d'après-midi pour nous battre contre le puissant courant de la marée du siècle. La dernière bouée du chenal dépassée nous hissons les quelques 58 m² de génois qui nous mèneront jusqu'au Sud de l'Espagne. Nous prenons le large, les derniers reliefs terrestres glissent lentement sous l'eau à la manière d'une Atlantide respirant ses ultimes bouffées d'air.
L'alizé nous poussera gentiment sur les 1400 milles nous reliant aux Canaries. Le Cap Finistère, pointe Galicienne, nous réserva son lot de surprises, grand vent, grande mer. Lisbonne, reine portugaise, nous accueille dans des eaux plus clémentes nous permettant de déployer pour la première fois nos lourds 84 m² de Grand Voile.
Bel oiseau toutes plumes au vent.
Le voyage continuera gaiement sur la quiétude de notre îlot à la dérive. Arrivée à Las Palmas, Gran Canarias le 30 Mars. Nous y laissons "Gey-Pi" notre chef avec regrets, d'avantage pour sa plaisante compagnie que sa grande cuisine. Ces quelques jours à terre vont nous permettre de réparer le dessalinisateur, prendre une douche et rincer les vêtements qui tiennent tous seuls avec le sel.
Ces dix jours en mer, à affronter un désert d'eau où les dunes se forment et se déforment plus vite que notre embarcation avance, m'ont plus que jamais donné l'envie de prolonger l'expérience pour traverser l'Océan, le vrai. Un petit mois de navigation nous sépare des Antilles, arrivée à Tortola prévue fin Avril.

Je vais essayer, en quelques articles, de vous retranscrire cette première fois, les temps forts et mes sentiments associés à cette étape de transatlantique.

"Vous autres, chevaliers errants, vivez en rêvant et rêvez en vivant"
M. Cervantes

mercredi 18 mars 2015

C’est pas l’homme qui prend la mer



Aujourd’hui départ pour la Rochelle où je retrouve Christophe et deux autres équipiers. Nous nous y rencontrons pour la livraison d’un Saba50, Catamaran plaisancier de luxe à convoyer vers les Iles Vierges Britanniques, Antilles. La transatlantique devrait durer entre 3 semaines et un gros mois, fonction de la météo. Si nous passons le golfe de Gascogne sans trop nous faire brasser nous ferons une escale à Las Palmas, Gran Canarias, sinon Espagne ou Portugal.

Christophe tient un blog presque à jour pendant la traversée : grandescroisieres.blogspot.com. Ce seront les seules nouvelles du bord.






Le sac à dos vient de se refermer, quelques bouquins, 2-3 crayons et les habituels Marley et Floyds pour m’accompagner dans toutes les situations.



Bon vent.

mardi 17 mars 2015

Suite


Pour l'éclat du jour des bonheurs en l'air
Pour vivre aisément des goûts des couleurs
Pour se régaler des amours pour rire
Pour ouvrir les yeux au dernier instant

Elle a toutes les complaisances. 

Paul Éluard