samedi 25 avril 2015

Pâles copies

À mesures que nous nous éloignons de l'archipel espagnol, sans franchement nous rapprocher des Amériques, nous quittons les eaux peuplées. L'escorte émouvante des cent cinquante dauphins était, avec une semaine de recul, un long adieux. Ils ne viendront plus illuminer mes journées de leur douce présence. A leur tour, les oiseaux nous tirent leur révérence. Et un matin, pourtant si semblable à tous les autres, plus rien. Du soleil, du vent, de l'eau. Loin derrière nous se cachent désormais les dernières terres et les 6 000 mètres qui nous séparent du fond marin font de ces eaux un bagne abandonné. Plus rien, nada, nothing, nichts, niente. Du soleil, du vent, de l'eau. Nous sommes aux milieu de l'océan Atlantique. Si son hospitalité est proportionnelle à la distance aux côtes, dix autres jours seront nécessaires pour survoler cette désolation désertique. Implacable réalité.

Les ergonautes

Qui sont ils à se cacher derrière ce sympathique nom d'explorateurs de l'espace? De la taille d'un poing de maçon, leur corolle se cache juste sous le niveau de l'eau. Déchirant la surface, rosée sur l'arrête et bleu lagon sur le reste, une mince dorsale leur fait office de voile. Un oeil exercé les aurait repérées dès les Canaries, ces petites méduses qui ont du inspirer bien des pêcheurs dans une ère maintenant révolue. Elles se laissent flotter, leur ergo, tel une aile au vent, les tire sur des centaines de milles au travers des océans. Comme bien d'autres, elles sont aussi belles que dangereuses, laissant danser leurs meurtriers filaments au gré du courant.
Faisant fi qu'ils m'interdisent l'accès à l'eau, je les apprécie ces coquets petits voiliers, vagabonds solitaires à la conquête des mers & océans.

Les exocets

Je ne l'ai pas vu arriver. Il vole à côté du bateau, au raz de l'eau, jouant avec l'air qui sculpte les vagues, passant des unes aux autres à l'instar des grands condors, de vallée en vallée, par delà les hauts sommets andins. Mais ce petit oiseau n'en est pas un. C'est un exocet, plus communément appelé poisson volant. À mon grand étonnement ces hybrides, plus que de planer entre deux creux, volent vraiment. Ils font d'ailleurs preuve d'une grande agilité aérienne, en enchaînant de rapides virages à angle droit, pour passer d'une onde à sa voisine. Si la vitesse vient à leur manquer, ils frappent la surface avec leur nageoire caudale, gardant le reste du corps hors de l'eau, tels des ricochets en bord de mer. Je les vois souvent seuls ou par deux ou trois, mais parfois ils sont plus de cent, escadrille en rase-motte. Hélas, ils ne sont pas aussi malins qu'habiles dans l'eau ou l'air et c'est régulièrement que je déplore les dépouilles inertes de quelques têtes-brûlées venues s'écraser sur le pont de notre vaisseau. Drôles d'oiseaux.

"À minimiser le risque, risque de se minimiser."

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