samedi 4 juillet 2015

Paradigme

Il existe quelques rares livres, dont la lecture, profonde immersion, est une savoureuse addiction, une dévotion du corps et de l'esprit. Pourtant, il arrive, pour une raison ou une autre, que l'ouvrage soit mis de côté, tronqué en plein corps. Son histoire, merveille de patience, sait attendre discrètement, de quelques semaines à une vie, un regain d'intérêts.
Et, un jour, pour la même raison ou une autre, nos yeux hagards retrouvent le délice de filer sur l'architecture littéraire de l'oeuvre, où nous l'avions abandonnée. Comme si jamais la lecture n'avait cessé, l'ensemble reprend vie, identique, immédiat. L'extase absorbe le reste du monde.
L'Amitié est l'un de ses rares livres, que l'on peut fermer puis ouvrir dans une vie.

J'ai la chance, précieuse, de retrouver deux de mes livres favoris, ceux de Robin et Charline. Fortes intrications mais histoire et enseignements différents. Je m'y oublie. Dans cette lecture, je découvre avec grande joie de nouveaux protagonistes tout aussi surprenants par leur vitalité. Rebecca, Arnaud et Morgan font leur apparition.
La cinquantaine de jours passée en leur compagnie est très intense, enfant de la rue accueilli dans une famille déjà nombreuse. Ensemble nous découvrons et apprenons beaucoup. Rares sont les jours où nous ne menons une activité pour la première fois. Beaucoup de réalisations matérielles, compensations bienvenues dans notre ère insipide de réalité virtuelle. Nos mains molles, onanisme d'un clavier pathologique, peinent face aux besoins d'agilité des ciseaux, de précision d'un marteau, de puissance d'une machette. Nos cerveaux engourdis de théorie n'osent se risquer à une installation électrique élémentaire. Mais nous apprenons, pas à pas, souvent de nos erreurs, à devenir fonctionnels. Quelles sensations gratifiantes de voir Robin les cheveux coupés, l'eau couler d'un robinet asséché, une lumière nous sortir de la pénombre, de jeunes bananiers nous offrir une nouvelle palme. Comment définir le privilège et la fierté d'être assis autour de la table réalisée par Rebecca sous les lumières installées par Arnaud pour manger, bientôt, les fruits et légumes cultivés par Morgan? Plénitude quotidienne.

Je suis également tombé amoureux à Minca. Un amour connu mais oublié a refait surface. Chaque jour plus puissant à mesure de ma découverte. La jungle.

"Le trajet, qui incarne le voyage dans l'espace, diffère donc de l'étape, qui incarne le voyage dans le temps. Le trajet est de l'ordre du physique et de la perception, l'étape de l'ordre de l'intime et de l'émotion".
Patrick Manoukian

2 commentaires:

  1. "L'Amitié est l'un de ses rares livres, que l'on peut fermer puis ouvrir dans une vie."

    A l'image de tous tes récits, cette phrase est absolument magnifique et très vraie. J'espère que tu garderas précieusement ces livres dans ton sac à dos, pour qu'ils te suivent partout où tu auras envie d'aller, et surtout, que tu n'oublieras pas de les rouvrir qu'importe l'occasion.

    Ta petite soeur trop fière de la personne que tu es, de tes aventures, de ton talent d'écrivain. Ta petite soeur trop fière de toi.

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  2. Quoi te dire?
    Nous sommes fiers de toi et tu peux être fier de toi.
    Continue de nous faire voyager... (enfin, tu rentres quand tu veux!). Reste toi.
    Des bisous.

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