jeudi 24 mars 2016

Dernière larme de romance


La navigation à la voile est par essence romantique. Faire lentement ce qui se fait d'usuel plus rapidement. Prendre le temps de faire, de voir. Le détail devient l'essentiel.
A mettre des semaines où il faut aujourd'hui autant d'heures, le film ralentit. Ce film de vie est si ralentit qu'il devient image. Inspection, introspection de cette image, photographie de soi quelques heures après le départ. Le temps se dilate, toujours le même paysage, pas de nouvelle entrante, pas de sortante. Vivre la pause.
Dans ces conditions le corps ralentit, naturellement. L'esprit prend le relais. Neuf mois après le début du voyage, j'ai besoin d'une relecture de cette splendide expérience.
Fier comme un coq mal réveillé, je quitte le port des Sables d'Olonne à la barre de mon nouveau vaisseau. Lucca II, lagoon 400, catamaran de quarante pieds, passe en silence sous les yeux mordus par le froid des anciens perchés sur la jetée.
Nouveau bateau, nouvel équipage, même capitaine. Christophe, qui m'a mené aux Antilles récidive, j'en profite. Route sur Antigua-Barbuda, je m'arrêterai aux Canaries. Des cinq équipiers, je suis, de ma jeune aventure, le plus expérimenté à la voile. Je serai donc second. Vanité.
Nous prenons le large, à nouveau la vie s'efface derrière le globe. La houle marquée mène à mal l'émotion qui nous a poussée tard dans la nuit. Un par un nos visages se ferment et prennent la couleur de l'écume frappant la proue. Seul maître à bord après Dieu sur un bateau athée, le capitaine nous voit rembobiner nos estomacs. Dernier surpris par l'initiative, je salue mon orgueil rejoignant les abysses.

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