La navigation à la voile est par essence romantique. Faire lentement ce qui
se fait d'usuel plus rapidement. Prendre le temps de faire, de voir. Le détail
devient l'essentiel.
A mettre des semaines où il faut aujourd'hui autant d'heures, le film
ralentit. Ce film de vie est si ralentit qu'il devient image. Inspection,
introspection de cette image, photographie de soi quelques heures après le
départ. Le temps se dilate, toujours le même paysage, pas de nouvelle entrante,
pas de sortante. Vivre la pause.
Dans ces conditions le corps ralentit, naturellement. L'esprit prend le
relais. Neuf mois après le début du voyage, j'ai besoin d'une relecture de
cette splendide expérience.
Fier comme un coq mal réveillé, je quitte le port des Sables d'Olonne à la
barre de mon nouveau vaisseau. Lucca II, lagoon 400, catamaran de quarante
pieds, passe en silence sous les yeux mordus par le froid des anciens perchés
sur la jetée.
Nouveau bateau, nouvel équipage, même capitaine. Christophe, qui m'a mené
aux Antilles récidive, j'en profite. Route sur Antigua-Barbuda, je m'arrêterai
aux Canaries. Des cinq équipiers, je suis, de ma jeune aventure, le plus
expérimenté à la voile. Je serai donc second. Vanité.
Nous prenons le large, à nouveau la vie s'efface derrière le globe. La houle
marquée mène à mal l'émotion qui nous a poussée tard dans la nuit. Un par un
nos visages se ferment et prennent la couleur de l'écume frappant la proue.
Seul maître à bord après Dieu sur un bateau athée, le capitaine nous voit
rembobiner nos estomacs. Dernier surpris par l'initiative, je salue mon orgueil
rejoignant les abysses.
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